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Ma première balade avec Chipie de Bel'Âne

 

La maman de Chipie, Sidonie, est une excellente randonneuse. Mais elle va avoir un bébé et ne sera donc pas disponible cet été. Il faut donc que Chipie prenne la relève ! Sauf que Chipie n’a jamais marché.

Aujourd’hui 20 avril 2018, Maman Bel’Âne décide d’embarquer Chipie pour une grande première : la balade bleue et tous ses obstacles.

Un licol et une longe, pas de problème, Chipie connait. Je la sors du parc, l’attache, lui fait les sabots qu’elle me tend sans rechigner. Et un, et deux, et trois, et quatre !

Je lui installe une couverture sur le dos, ainsi qu’un bât. Ça, elle ne connait pas. Mais comme tous les ânes de Bel’Âne, elle accepte sans surprise. A croire qu’ils sont nés avec. On rajoute des sacoches vides, histoire de faire pour semblant, comme dirait ma petite fille.

Et nous voilà parties ! Enfin, me voilà partie … seule… car personne ne suivait… Je fais comprendre à Chipie qu’on part promener et qu’elle doit venir avec moi. Pas sûre qu’elle ait bien compris… Elle brait. Coton, resté dans le parc, lui répond. Elle veut le rejoindre, je refuse. Elle ne comprend pas du tout ce que je veux lui faire faire. Je fais donc preuve de fermeté et l’oblige à avancer, ce qu’elle fait, avec beaucoup de mauvaise volonté. Après une centaine de mètres, une fois l’élevage hors de vue, et peut-être d’odorat, elle se retrouve en terrain inconnu, avec pour seule référence, sa maîtresse.

Malgré quelques tentatives de demi-tours, elle me suit, d’un pas plus ou moins régulier. Elle s’arrête souvent pour observer ce nouvel environnement, ces odeurs et bruits nouveaux. Elle n’aime pas m’avoir devant elle, elle préfère regarder où elle met les pieds et avoir une vue dégagée. Je respecte. Au premier passage boueux, elle fait la délicate et hésite à se salir un sabot. Je me montre ferme et lui explique qu’on ne va pas commencer à « pinailler » pour si peu. Je lui laisse le temps, et elle avance, tout doucement, un pied après l’autre, pas vraiment ravie. A la première flaque d’eau, elle stoppe net. Je tire, je pousse, je hausse le ton, rien n’y fait. Je comprends qu’elle n’est pas rassurée. Alors je lui parle doucement, lui dit qu’elle n’a pas le choix, que de toutes façons, elle passera, contente ou pas. Superbe bond de 2 mètres pour éviter une flaque d’eau de 30 cm, mais on est passé !

Arrive une descente assez pentue de marnes argileuses. Elle hésite, me regarde, voit que j’avance et décide de me faire confiance. Alors, prudemment, un sabot après l’autre, elle teste le terrain et me suit. Ouf, Chipie a l’air docile, ça va faire ! Encore un petit ruisseau qu’elle saute superbement après avoir testé ma patience et après maints encouragements. Alors, je crois que je peux la féliciter et la récompenser par une petite pause dans une jolie clairière tapie d’herbe verte.

Mais Chipie ne veut pas brouter. Mieux ! Elle me tourne le dos. Je l’appelle, lui parle, elle tourne la tête ! Je n’en crois pas mes yeux : Chipie boude ! Mais oui, elle boude, elle m’en veut ! J’essaie de la dérider, rien à faire. Je me remets de ma surprise, et on repart.

Ça « roule », elle marche comme une vraie randonneuse, je prends confiance en elle. Arrivée sur la route goudronnée elle freine des 4 sabots. « Ah, non ! pas maintenant, Chipie, de toutes façons, tu n’as pas le choix.. ». Prendre la route à la montée ne lui convient pas, essayons la descente…ça marche ! Allez savoir pourquoi ? Peut-être parce qu’en contrebas, il y a des charmants messieurs qui regoudronnent la route ? Pense-t-elle qu’ils seront plus compréhensifs, eux ? Cherche-t-elle une aide inespérée ? A-t-elle peur que je la perde ? Le principal est d’avoir mis les 4 sabots sur le goudron, et de s’apercevoir que ce n’est pas si terrible. Demi-tour, et nous revoici à l’endroit. Elle avance, sans problème, presque le bonheur.

Un quart d’heure après nous voici devant un dilemme : le sentier en dévers dans une pente impressionnante est tout éboulé. Il y a juste la place d’un sabot. Va-t-elle me suivre ? Elle hésite. Je la rassure. « Si tu n’étais pas un âne, Chipie, je n’insisterais pas, mais un âne a le pied sûr. Si moi je passe, toi tu peux passer. Tu vas doucement, de toutes façons, tu n’as pas le choix. » Elle m’écoute ! Si, si, elle m’écoute, me regarde, regarde le sentier, regarde ses sabots. Puis elle avance doucement un sabot, puis l’autre. C’est prudent, un âne… Et elle passe, bravo !

Mais on n’est pas au bout de nos surprises : le sentier qui mène à la rivière a disparu pendant les fortes pluies, le lit de la rivière s’est élargi et il y a énormément d’eau, 50 cm par endroit. Oh la la, Maman Bel’Âne se décompose. Aussi, j’aurais pu y penser, nous ne sommes qu’au mois d’avril et avec les fortes pluies et la fonte des neiges, fallait s’y attendre ! Jamais on ne passera !. Il faut entrer dans l’eau, remonter la rivière sur une dizaine de mètres et marcher sur ces énormes cailloux impraticables charriés par les orages. Même moi, je ne suis pas sûre de passer, à moins de me déchausser ? Mais le courant est si fort que je n’arriverai pas à marcher. Comment faire ? Surtout ne pas paniquer. Si je rebrousse chemin, s’en est fini pour Chipie, elle ne passera jamais les rivières. Pendant que je réfléchis, Chipie, se braque, et se cabre ! Elle n’a jamais vu un spectacle pareil ! Entrer là - dedans, mais c’est pure folie, et elle a bien raison ! Un gros rocher dépasse de l’eau, je laisse du mou à la longe et vais m’y installer, le temps de réfléchir et de parler à Chipie pour lui demander conseil. « Qu’est - ce que tu en penses toi ? Jamais on n’y arrivera ! Pour commencer, arrête de cabrer, tu vois bien que je suis plus embêtée que toi ! Et si tu essayais ? Tu pourrais me rejoindre sur ce piton, puis on avise ensuite ». Je n’étais franchement pas fière en équilibre sur mon rocher glissant car si elle avait voulu, Chipie tirait un seul petit coup sur la longe, je glissais, et plouf, Maman Bel’Âne faisait le plongeon. Eh bien, non, Chipie m’a écoutée ! Et tout doucement, les pieds dans l’eau, elle est venue me rejoindre. Elle a dû se dire que si elle faisait demi-tour, elle ne retrouverait peut-être pas son chemin ! Et de toute façon, depuis le début, devant chacune des situations hasardeuses, je n’ai jamais lâché la longe ! Ça, je crois qu’elle l’a imprimé !

Nous voici donc toutes les deux, au beau milieu du courant, aussi stupide l’une que l’autre, perchées sur 3 cailloux ridiculement petits. Nous avons alors pris la décision ensemble « Chipie, maintenant qu’on est là, on n’a plus le choix, faut se jeter à l’eau » .C’est le cas de le dire. Je me jette donc dans le courant et, me voyant faire, Chipie me suit. Oui ! Elle m’a suivie, elle m’a fait confiance ! Quelle responsabilité pour moi ! Elle s’arrête au beau milieu de la rivière, à la recherche de ses sabots, qu’elle ne voyait plus, bien sûr, puisqu’elle avait de l’eau jusqu’aux genoux. Elle appuie mon regard en voulant dire « Tu vois comme j’ai confiance en toi ! » Le spectacle était exceptionnellement beau, Chipie anormalement cool, et l’émotion au bord des larmes. Je n’ai même pas pensé à sortir l’appareil photo (heureusement car c’était trop dangereux), je n’avais envie que d’une chose c’était la féliciter et la remercier pour ce super moment de complicité.

J’ai compris là, que Chipie serait, comme sa maman, une super randonneuse qu’aucun obstacle n’arrêterait, à condition, bien sûr qu’elle ait confiance en son maître et que celui-ci ne la brusque pas.

C’est donc le cœur léger que nous avons repris toutes les deux la route, avec un sentiment inexplicable pour l’une comme pour l’autre, d’avoir vécu des choses fortes qui nous liaient (à jamais ?, enfin, n’exagérons rien !)

Arrivées sur la place du village, j’attachais Chipie, le temps de dire bonjour à la secrétaire de mairie. Après 5 minutes d’absence elle m’accueille avec des gémissements de joie et de reproche, comme si je l’avais abandonnée à jamais ! Ce qui prouve que la confiance n’est pas encore totale, malgré ce qu’on avait vécu – lol - comme diraient les jeunes.

Forte de l’expérience de la rivière, j’ai voulu profité d’être au village pour tenter le passage d’ une plaque d’égouts. Tout le monde, (ou presque !), connait l’aversion des ânes pour les plaques d’égouts., Si vous avez un âne qui marche sur une plaque d’égouts, gardez le bien précieusement, car c’est une pièce unique …à moins qu’il soit aveugle, mais ça c’est moins drôle.. Donc nous voici devant une grille de caniveau qui barre toute la route. Génial, non ? Ben, pas tant que ça ! J’ai compris que j’avais poussé le bouchon un peu loin… Impossible d’approcher la grille, et puisqu’ il y avait un tout petit passage à côté, pourquoi vouloir prendre des risques insensés à sauter un obstacle qui n’attend que Chipie pour exploser ! Et puis, franchement, imaginez la scène : Maman Bel’Âne au beau milieu de la place du village, devant la mairie (dont elle est adjointe au maire, en plus), en train de tirer une Chipie complètement cabrée qui ,si elle pouvait parler, dirait « Là, franchement, tu abuses. Je ne suivrais pas dans ce délire d’autant que ce n’est pas la route et qu’il va falloir le repasser une deuxième fois, donc c’est non » Eh bien, oui, un peu la fatigue de la balade et des émotions, un peu beaucoup la peur du ridicule, j’avoue, j’ai cédé ! Mea culpa mais en 2 heures de temps, j’en avais déjà beaucoup demandé à une petite Chipie qui n’était presque jamais sortie de chez elle.

D’autant que l’aventure n’était pas terminée : la passerelle en bois ! Avec la fameuse rivière qui passe dessous ! Une passerelle en bois ? C’est presque une plaque d’égouts ! Chipie a freiné des 4 sabots, frein à main, freins à pied, demi-tour, tout y est passé. Sauf que là : « Chipie, je suis désolée de te dire que tu n’as pas le choix parce qu’il n’est pas question de refaire 2 heures de balade à l’envers d’autant que la rivière et les autres passages difficiles n’auront pas disparu » Vous me croyez ou vous ne me croyez pas mais elle m’écoutait. Pas convaincue, certes, mais elle m’écoutait comme à chaque prise de décision importante. Et Maman Bel’Âne, de faire le zouave sur la passerelle, à sauter à aller et venir à gesticuler pour montrer à Chipie qu’il n’y avait pas de danger. Après avoir compris que je ne passerais pas au travers et que je n’allais pas me faire dévorer par ce monstre suspendu, Chipie a mis un sabot, puis 2 sur la passerelle et elle est passée !

Dix mètres plus loin, il y a un deuxième pont, en béton, certes, mais un pont quand même. Chipie ne s’est pas précipitée. Elle a quand même attendu que j’y mette les 2 pieds, que je teste la solidité, puis elle m’a suivie en sifflotant (enfin, ça c’est l’imagination due à l’euphorie de la maîtresse).

Nous sommes rentrées main dans la main à l’élevage, riches d’une belle complicité. Maman Bel’Âne, très fière de sa Chipie, exultait. Je ne me suis jamais énervée, j’ai fait preuve d’une patience que je ne me connaissais pas. Chipie n’a jamais stressée (pas un seul caca mou pour les connaisseurs), n’a jamais eu les jambes tremblantes, n’a jamais tenté le rapport de force. Elle a juste un peu boudé…

Et quand, à l'avenir, je dirai à Chipie : "Tu n'as pas le choix", je sais qu'elle comprendra.

Toutes les personnes qui sont venues à l’élevage « faire » la balade bleue, savent que je n’ai pas brodé sur les difficultés. Toutes celles qui viendront cet été « faire » cette balade penseront à Chipie. Peut-être même la feront avec Chipie !

Et pour terminer la balade en beauté, arrivées à l’élevage, nous avons trouvé une maman Sidonie qui allait bientôt offrir  une petite sœur, à Chipie .

 « Tu vois, Chipie, aujourd’hui, tu as compris que dans la vie, quelques fois, on n’a pas d’autre choix que d’avancer, et on en est souvent récompensé »

 Marie-Claude Arnaud

 

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