De mémoire d'âne
Les ânes, certainement comme d’autres animaux, se souviennent de votre voix, même des années après. La voix de celui qui les a aimés, mais aussi, la voix de celui qui les a maltraités.
La première fois que je me suis rendue compte de cela, c’était chez Sandrine. Je suis retournée voir plusieurs ânes que je lui avais cédés. Je m’approche du troupeau et suis déçue de voir que personne ne me reconnait. Frustrée, je me tourne vers Sandrine pour lui exprimer ma déception. J’allais faire un topo sur l’ingratitude de ces bestioles mais n’en ai pas eu le temps. Au son de ma voix, tous les ânes que j’avais élevés se sont approchés de moi. Ils m’avaient bien reconnue, mais grâce à la voix. Ils sont venus chercher des câlins, comme au bon vieux temps.
A la réflexion, et par expérience, je sais qu’une maman âne ne reconnait pas son bébé à la vue, mais à la voix ou à l’odeur. Si une maman voit deux bébés de couleur similaire, elle ne saura pas vers lequel se diriger. Elle le sent pour être sûre que c’est le sien. Mais si un bébé appelle dans le troupeau, elle le reconnait entre mille !
Reste à vous raconter l’anecdote « Kaolin » pour illustrer cette mémoire, en plus de leur sensibilité.
Kaolin est né et a été élevé à Bel’Âne. A 6 mois, comme tous ses classards, il part rejoindre sa nouvelle famille. Une famille sérieuse mais qui, à cause de la distance, n’a pu faire le déplacement jusqu’à Bel’Âne pour rencontrer Kaolin. Kaolin est donc parti rejoindre MAgnès qu’il ne connaissait pas. Il n’était pas tout seul, le voyage s’est fait avec un petit âne de son âge, mais d’un autre élevage. Un copain qu’il ne connaissait pas non plus. A la réflexion, ça faisait beaucoup.
MAgnès accueille ses deux petits ânes tant attendus. Surprise : les 2 petits ânes si câlins s’étaient transformés en sauvageons. Impossible de les approcher, encore moins de les caresser, impossible de les rentrer le soir ! Désespérée MAgnès me demande conseil. « Le parc est trop grand pour eux, il faut réduire l’espace. Ca ne marche pas ? Il faut les enfermer dans leur cabane, au moins une semaine, les obliger à vous apprivoiser et réciproquement ». Toujours rien. Friandises, patience, brosse, caresses, rien n’y fait. Ce petit Kaolin, qui était un puits de douceur et de tendresse, en demande constante de câlins, refusait tout en bloc, au grand désespoir de sa maîtresse. ...........
Jusqu’à cet appel téléphonique magique ! MAgnès met le haut- parleur du téléphone et Kaolin dresse les oreilles, s’approche du téléphone. Il avait reconnu ma voix ! Alors je lui ai parlé !! Oui oui, je lui ai parlé et il m’a écoutée ! Je lui ai expliqué ce que j’aurais peut-être dû faire avant, que je ne l’avais pas abandonné, qu’il était dans une nouvelle famille, qu’une nouvelle vie allait commencer, qu’il pouvait leur faire confiance…..J’ai dit tout ce qu’une maman dit à son fils qui part de la maison !! Le résultat a été immédiat ! scotchant, hallucinant. A partir de ce moment, Kaolin est redevenu le petit âne bien dans sa tête et dans ses sabots, un petit âne en quête de câlins qui accordait enfin sa confiance à sa nouvelle maîtresse. Une maîtresse à présent comblée de tant de douceur.
Forte de cette expérience, je l’ai renouvelée plusieurs fois avec d’autres de mes bébés. Par téléphone, j’arrive à communiquer avec eux, les apaiser, et quelques fois même, les gronder quand ils ne sont pas sages. Ils ne m’écoutent pas toujours, mais ils reconnaissent toujours ma voix.
Dernièrement Cri-Cri m’a racontée cette anecdote qui l’a scotchée, elle aussi. Elle regarde une vidéo que j’avais mise sur internet. Ses petits ânes, Ignace et Inno’Sens de Bel’Âne broutaient tranquillement un peu plus loin. Pour faire écouter la vidéo à un ami, elle branche le haut-parleur et là, surprise : Ignace et Inno’Sens arrivent en courant au son de ma voix, me cherchant dans le téléphone. S’en est suivie une séance de joie et de partage entre eux. 4 ans qu’ils ne m’avaient pas vue, pas entendue !
Hallucinant, oui !
