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L'Histoire Bouleversante de Louise

Louise est une personne polyhandicapée d’un certain âge – en tout cas, d’un âge certain. Une de ces personnes qui portent une vie entière de souffrances et à qui on ne saurait donner un âge.
Louise est née handicapée dans une famille de fermiers, à une époque où l’anormalité était une honte et les revenus trop maigres pour nourrir une bouche « inutile ». Louise a vécu son enfance dans la maltraitance, enfermée dans un placard ou croupissant dans un coin de la ferme. Adulte, elle a été placée ou plutôt « jetée » dans un centre qui, à l’époque, ressemblait plus à un mouroir qu’à un établissement adapté. Elle mangeait peut-être à sa faim mais ne connaissait rien du monde extérieur.
Un jour, est arrivée au centre, une animatrice très dynamique qui aimait ses patients et a décidé, avec l’accord de l’administration, de proposer des activités extérieures.
C’est comme cela, que Louise est arrivée un jour à l’élevage Bel’Âne avec 5 autres pensionnaires.
Ce jour là, nous avons vu descendre du mini-bus, une silhouette qui ressemblait à peine à un être humain. Homme ou femme, nous n’aurions pu le dire. Sourde, muette, le visage fermé et dur, le regard vide, l’allure tordue et le corps si contracté qu’on ne pouvait la déplacer qu’en fauteuil roulant.
Louise faisait peur et aurait fait fuir n’importe quelle personne même bien avertie.
Le groupe entre dans le parc des ânes et Louise rejette immédiatement les animaux. Elle les repousse avec véhémence, les tape méchamment.
Nous nous occupons des autres patients.
Soudain, un spectacle surprenant s’offre à nous. Louise est assise par terre, au milieu du parc. Elle est entourée d’ânes et elle pleure, elle pleure à gros sanglots, comme si toute une vie d’émotions sortait de son corps. Les petits ânes, inquiets ou curieux se sont tous approchés d’elle, leur tête à hauteur de la sienne puisqu’elle était assise à même le sol, ils la sentaient, la caressaient de leurs longues oreilles.
Le spectacle était bucolique, ils avaient formé une grande rosace au milieu du pré : Louise, au centre qui arrosait de ses larmes la quinzaine de pétales formée par les dos des petits ânes. Une trentaine d’oreilles animait cette jolie composition en essayant de capter les émotions qui sortaient de ce corps meurtri.
Il se passait quelque chose, quelque chose de très important dans la vie de Louise. Nous avons laissé faire, nous avons laissé du temps.
Pendant la seconde partie de la séance, Louise a voulu prendre une brosse et brosser les petits ânes. Son visage se déridait au fur et à mesure qu’elle s’occupait d’eux.
Le groupe décide alors de partir en balade avec les ânes. Je poussais le fauteuil roulant de Louise qui, visiblement voulait « marcher » à côté d’un âne. Cette situation devait être comique puisque Louise a commencé à rire, puis à rire encore, puis éclater de rire, de joie, je crois bien.
A la fin de cette première séance, Louise était méconnaissable. Elle avait retrouvé un visage humain avec des expressions, de bonheur, il me semble.
Cinq séances ont suivi cette première. Tous les 15 jours, le groupe revenait avec son animatrice dynamique. Louise était à chaque fois de plus en plus contente d’arriver à l’élevage, de retrouver les ânes et de participer aux activités. A partir de la seconde séance, elle refusait le fauteuil roulant et se tenait debout.
A la dernière séance, Louise était devenue une « personne ». Elle est descendue du mini bus toute seule, sur ses deux jambes, a marché vers le panneau d’accueil de l’élevage sur lequel est dessiné un âne. Le visage rayonnant, elle a caressé l’âne en photo, visiblement très contente de retrouver ces animaux, de les caresser, de les brosser. Pendant toute la durée de la séance, Louise riait, les yeux pétillants, et communiquait avec nous. Elle entendait même ce qu’on disait et se faisait comprendre. La pluie nous ayant surpris, nous avons lu des histoires d’ânes que Louise comprenait et entendait, certainement par bribes, mais elle écoutait de toute son attention et mimait certaines scènes.
Louise nous faisait rire, était heureuse de nous faire rire, et la communication était sans faille. Non seulement Louise avait repris une identité, mais elle devenait un être attachant. Nous nous surprenions à rechercher sa compagnie.
Je crois que Louise était enfin heureuse. Peut-être grâce aux petits ânes. Certainement grâce à une animatrice compétente et généreuse qui a cru en elle.
Malheureusement l’animatrice ne travaille plus au centre, son contrat en CDD ayant pris fin.
Louise n’est plus jamais revenue à l’élevage.

Article de Marie-Claude Arnaud

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