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Peluche, ou, une vie sans...bébés.


Peluche a certainement un problème génétique qui fait que ses bébés ne sont pas viables. Les études sur l’anatomie asine étant très peu avancées (et pour cause, l’âne étant le cheval du miséreux, il ne mérite pas des dépenses inutiles en recherche médicale…), aucun vétérinaire n’a su trouver la cause de ce problème. Manque de sélénium ? Incompatibilité avec le mâle ?... Nous avons essayé de contrer toutes ces hypothèses, mais, sans succès.


La première année, Peluche a mis au monde un bébé mort-né. Novices dans le métier, nous avons beaucoup culpabilisé, et avons été très tristes de voir une Peluche réclamer son bébé comme le ferait un être humain. La nuit qui a suivi la mise bas, elle s’est couchée exactement au même endroit que la nuit précédente (au millimètre près !) et a simulé des contractions ! A tel point que nous pensions qu’il y avait un second bébé ! Non, Peluche récrivait tout simplement l’histoire, dans l’espoir que, peut-être, l’issue prenne une autre tournure.


L’année suivante, le bébé, de père différent, s’est levé, a fait quelques mètres et s’est écroulé, mort. L’autopsie n’a rien révélé. Peluche pleurait en voyant les autres bébés. Elle pleurait, avec de vraies larmes qui nous fendaient le cœur.


Nous avons suivi la 3ième grossesse pas à pas et étions persuadés que tout allait enfin bien se passer. Peluche était en forme pendant toute la durée de la gestation. Elle a eu toutes les vitamines possibles et inimaginables, le papa était encore différent. La mise -bas s’est déroulée tout à fait normalement et une magnifique petite femelle rouge a vu le jour…mais pas longtemps. Elle ne s’est jamais levée ! Nous l’avons veillée toute une nuit jusqu’à ce qu’elle ferme les yeux, au grand désespoir de Peluche, inconsolable. Peluche a fait une dépression qui a duré plusieurs semaines. Elle s’isolait, se couchait souvent, mangeait peu, et avait un regard si triste !


Evidemment, plus de bébés pour Peluche, pas question de revivre des épisodes aussi traumatisants pour elle que pour nous.


Mais le besoin de maternité est si fort chez Peluche qu’une nuit, elle a fait le mur, et… rebelote !


C'est par une belle journée printanière, que la 4ième naissance s'annonce. Nous n’y croyons guère. Peluche, encore moins car elle a eu ce comportement étrange, difficile à croire. Premiers prémices, premières contractions : Peluche s’allonge, nous sommes là et… elle ne fait aucun effort ! Elle ne pousse pas ! Elle, d’habitude si pressée de voir son bébé, ne met pas le cœur à l’ouvrage. On la sentait désabusée, résignée, comme si elle savait…. Malgré nos stimulations, Peluche ne faisait preuve d’aucune volonté, comme si elle voulait garder en elle, ce bébé encore vivant, car les bébés de Peluche sont très actifs dans son ventre ! Nous faisons donc tout le travail pour mettre au monde un joli petit mâle aux yeux hagards. Nous nous sommes vite aperçus que le bébé avait un problème neurologique mais nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour lui rendre la vie plus douce, enfin, le peu qu’il avait à vivre. Il s’est levé mais malgré tous nos efforts, n’arrivait pas à téter sa mère. Alors nous avons trait Peluche qui comprenait et se laissait faire avec une patience extraordinaire, et nous lui avons donné le biberon, toutes les 2 heures, pendant plus de 3 jours. 3 nuits à se lever toutes les 2 heures avec la boule au ventre, même si on espérait secrètement une fin rapide…Nous retrouvions chaque fois un petit âne au bord de l’agonie. Nous le stimulions, lui donnions à manger, le remettions debout, et c’était reparti jusqu’à la fois suivante. Peluche a été sensationnelle, d’une intelligence rare. J’ai envie de dire qu’elle a fait preuve d’une humanité rare ! Elle était résignée, son regard en disait long : elle savait. Mais au lieu de chasser son petit, comme font les animaux dans ce cas- là, quand ils sentent un problème, elle l’a protégé, l’a guidé, l’a accompagné, l’a stimulé, l’a respecté, lui a apporté tout ce qu’une mère peut apporter à son enfant, mais… sans trop s’investir affectivement. Car elle savait. Elle a joué son rôle de mère mais sans plus.
Le quatrième jour, Peluche a coupé son lait : un signe qui ne trompe pas chez une ânesse. Et pire, une grosse larme (photo à l’appui) ! est apparue sur sa joue. Pourtant le bébé a fait quelques pas avec sa mère à l’extérieur de la cabane. Nous avons continué avec du lait de substitution. L’après- midi, le bébé s’est couché, n’a pas voulu téter, et ne s’est plus jamais levé. Au petit matin, il n’y avait plus de bébé.


Chose incroyable, Peluche n’a pas réagi comme les fois précédentes. Elle n’était pas triste. Elle est parti jouer avec ses copines, comme une enfant, sans se retourner sur son passé. Je crois qu’elle était délivrée, et, presque heureuse, heureuse d’avoir pu assouvir pendant quelques jours ce besoin de maternité qu’elle porte si fort en elle. Nous n’avons pas regretté nos nuits blanches. Peut-être avons-nous permis à Peluche de vivre, le temps d’une naissance, ce grand bonheur que la vie ne lui a pas autorisé.
Au moment où j’écris ces mots, Peluche est en train de consoler sa grande copine Amande qui vient de vivre, elle aussi, une mauvaise expérience en perdant son bébé, mal positionné au moment de la naissance.
Peut-être est-ce là, le destin de Peluche ? Consoler les mamans âne en mal d’enfant ?

Marie-Claude Arnaud

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