Quand Hortense fait preuve de compassion

Quand Hortense fait preuve de compassion..

Je profite d’avoir l’aide de Maëline pour changer Hantoine et Hortense de parc. Nous ne sommes pas trop de deux car Hantoine, comme tout baudet qui se respecte, est insupportable. Il sait que si on le change de parc, c’est pour retrouver d’autres femelles et son état d’excitation est tel qu’il ne tient pas en place. Malgré sa petite taille de 73 cm au garrot, J’ai vraiment du mal à le tenir en longe. Sa puissance est décuplée par l’excitation. Parallèlement, notre petite Hortense qui est un peu craintive a peur de perdre Hantoine des yeux, son référent dans l’ancien parc. Elle essaie donc de le suivre et panique dès qu’il est hors de sa vue. Ces 500 mètres de trajet sur la route se transforment donc en véritable épopée, entre un Hantoine sur-excité et une Hortense affolée. Hantoine est pris entre deux feux : répondre à l’appel de nouvelles conquêtes, et se ré-approprier son Hortense, une des concubines de son ancien harem qui était sous sa responsabilité. Il court dans tous les sens, veut s’enlever le licol pour aller plus vite, accélère, fait demi-tour pour protéger Hortense, ou plutôt la soumettre, essaie de me pincer car il m’en veut de le retenir, cabre pour exprimer son mécontentement de ne pas être libre.  Hortense, elle, ne veut pas avancer, puis  court pour rattraper Hantoine, ou se met en travers de la route en bloquant des 4 sabots, perturbée de l’attitude peu glorieuse de son compagnon.

Un trajet épique. Arrivés tant bien que mal, à destination, je décide d’attacher Hantoine pour m’occuper d’ Hortense qui ne veut plus avancer. Mais Hortense a perdu son compagnon de vue et la panique s’empare d’elle. Elle se  propulse comme une fusée dans le champ, entrainant avec elle une pauvre petite Maëline de 11 ans, qui, accrochée à la longe ne fait pas le poids avec ses 30kg. Mais une petite Maëline perspicace qui ne veut pas lâcher malgré les conseils que je lui crie de loin. Imaginez la scène, caricature de dessin animé : Un âne affolé qui court dans tous les sens, se retourne, se cabre, dans un nuage de poussière. Une longe attachée à l’âne et…au bout de la longe une petite Maëline qui tombe, se relève, crie, hurle, se met en colère sans aucun résultat.

Qui gagne ? L’âne, bien sûr ! Au bout de minutes interminables, alors que  j’observe la scène, impuissante, de loin, Maëline craque. Elle ne veut pas lâcher, notre courageuse Maëline,  mais elle  craque et explose en pleurs, la longe lui filant entre les doigts. De gros sanglots bien lourds comme une cocotte- minute qui libérerait par sa soupape  toute une énergie contenue et vaine. Des larmes de colère ou de désespoir, des larmes d’échec.  Et à cet instant, un spectacle surprenant s’offre à nous : Médusée, Hortense stoppe net et  regarde Maëline, pleine de compassion, comme si elle comprenait qu’elle avait poussé le bouchon un peu trop loin. Ou comme si la réaction de Maëline la ramenait à la raison. Libre, elle aurait pu partir, mais non. Elle se rapproche au contraire de Maëline et  pose sa tête sur l’épaule de la fillette. Elles restent un grand moment comme cela. Arrivée sur les lieux, j’ai trouvé une Maëline qui séchait ses larmes par fierté et une Hortense toute penaude, la tête penchée vers Maêline comme si elle voulait se faire pardonner. Alors calmement, la petite fille ramasse la longe et Hortense la suit, comme une ânesse normale qui rentre à la maison, comme si cet épisode fou n’avait pas existé. Hortense  rejoint Hantoine et tous deux  intègrent le nouveau troupeau sans heurt, sans violence.

Si on doit retenir une morale de cette histoire, c’est qu’il ne faut jamais cacher ses sentiments. Ca ne sert à rien de faire preuve d’autorité surtout quand on sait qu’on n’aura pas le dessus. Autant exprimer ce que l’on pense, on sera peut-être enfin compris et écouté…